La critique de Télérama:
LA CRITIQUE LORS DE LA SORTIE EN SALLE DU 15/10/2014
C'est une photo du jeune Sebastião
Salgado : dans une mine d'or brésilienne, des grappes humaines, comme
accrochées au vide, escaladent une longue pente avec, sur le dos, des
sacs pleins de terre, ou d'or, qui sait. On dirait une image extraite d'Aguirre, la colère de Dieu, le vieux film de Werner Herzog. Wim Wenders est son contemporain. Comme lui, il a saisi, dès ses premiers films, le vide (Au fil du temps) et l'effroi de ceux qui l'affrontent (Alice dans les villes).
Lorsqu'il découvre le cliché de Salgado, il y a de nombreuses années,
il l'achète immédiatement, il tente de retrouver l'auteur, le rencontre,
l'apprivoise, s'en fait un ami. C'est, donc, un alter ego à qui il rend
hommage, aujourd'hui, dans ce documentaire : à un voyageur, à un
aventurier, à un découvreur qui, aussi bien que lui, sait exalter et
manier l'espace. A plusieurs reprises, avec tendresse, il filme le
visage de son vieux copain qui se projette sur ses clichés d'autrefois.
Est-ce pour nous en signaler quelque beauté secrète ou parce qu'il
découvre, soudain, en cet instant, un détail oublié ? Que viennent faire
ces chaussures, par exemple, dans cette échoppe de cercueils de
l'extrême nord brésilien ?...
Aidé par le
fils du photographe, Wenders suit — un rien trop sagement — la carrière
de son ami, de son exil après l'instauration de la dictature dans son
pays natal jusqu'à nos jours. Les albums se succèdent, ainsi, fruits de
longs efforts : ceux sur l'Amérique latine, le Sahel ou les exodes
forcés des populations opprimées... La force de certaines photos saisit :
cet enfant brésilien, décédé avant son baptême et qu'on porte donc en
terre les yeux ouverts pour lui éviter de se perdre à jamais dans les
limbes. Ou ce père, en plein génocide du Rwanda, qui jette son petit
garçon sur un tas de corps, tous morts... Sebastião Salgado semble
constamment opposer la beauté de la nature aux efforts inouïs des hommes
pour l'anéantir. S'autodétruire. Et la sérénité du regard de Wenders
laisse espérer, sans trop y croire, que le Mal, un jour, sera vaincu par
le Beau...
Sur l'association délicate qui
lie, aujourd'hui, le photographe, devenu spécialiste de la
reforestation brésilienne, à un groupe réputé pour ses méthodes
anti-écologiques, le film demeure étrangement muet. Wim Wenders évite
soigneusement tout ce qui pourrait fâcher. Il reste jusqu'au bout
admiratif, fraternel et hagiographe. — Pierre Murat
Lire aussi Télérama nº 3378, p. 38
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